J'ai vu aussi. Alors que le premier quart d'heure me faisait regretter la BD, j'ai été emporté par le reste du film. Au final le ton et le fond sont vraiment bien assemblés, il y a des passages qui sont de vrais moments de grâce et un ensemble très séduisant.
Je contextualise un peu l'histoire :
Un rabbin à Alger vit avec sa fille et un chat. Par un miracle un peu obscur (il mange un perroquet), le chat acquière la parole. Se pose la question de son éducation religieuse et de savoir s'il peut continuer à fréquenter la jolie fille du rabbin.
Arrive un juif russe échappé des pogroms qui partage la même religion que le rabbin mais pas la même culture. Il dit savoir où se trouve la Jérusalem terrestre, isolée en Ethiopie dans une tribu juive orthodoxe isolée de tout. Avec un aventurier russe nostalgique du Tsar ils montent une expédition pour aller trouver ce lieu mythique, embarquant avec eux un Sheik ami du rabbin (l'excellent Fellag) et le chat.
J'ai trouvé que le film était très inégal, techniquement, que les modèles variaient d'une scène à l'autre, que des performances d'animation étaient parfois peu justifiées ou systématiques (le maître du rabbin), que les voix étaient parfois un peu outrées et proches du cliché-forcé (j'ai peu goûté la voix du Rabbin ou de sa fille), que des séquences étaient mal montées ou qu'elles avaient des trous gênant (dans le camp bédouin), que le personnage de l'âne était assez raté, en modèle et en anim' (toute proportion gardée, je serais bien incapable de faire ne serait-ce que la moitié). Enfin il ne manque qu'un hindouiste et un bouddhiste pour que ça devienne un
Reader Digest encyclopédique religieux qui a force est un peu gonflant. Mais le personnage du chat est vraiment central et donne sa personnalité au film, la voix de
Morel est excellente pour soutenir sa fragile consistance avec une franche ironie, décors et lumières sont de toute beauté et il y a des variations de style qui permettent de renouveler un peu l'attention et découvrir des écritures qui fonctionnent bien avec la narration.
Par contre j'ai eu du mal à dater l'histoire. On est visiblement avant la seconde guerre mondiale, la ségrégation dans les cafés, le camion de 1925 et la croisière Citroën semblent positionner l'histoire entre 1930 et 1940 mais ils évoquent les pogrom russes et la montée du communisme qui semblent se limiter à 1921 et le chat évoque à un moment la datation au Carbone 14 qui date de 1949...
En revanche j'ai beaucoup aimé ce que j'apprécie chez
Sfar, cette façon de soulever des problèmes philosophiques et de toucher au fond des choses sans en avoir l'air, le doute dans lequel est plongé le rabbin quand il doit décider si le chat doit faire sa Bar-Mitsva est très communicatif, le cauchemar du chat est sublime et angoissant, les préjugés du rabbin sur les russes, puis les noirs, la valorisation de la culture commune avec l'Islam tout en pointant la violence et l'intransigeance des tribus radicales sont très bien vues. J'étais aussi mort de rire à l'évocation brève et terriblement drôle du reporter du petit Vingtième qui ressort tous ces clichés colonialistes avec un accent belge hilarant.
La séquence du rêve du chat est très belle, et je découvre au générique que c’est l'oeuvre de
Pozla, incroyable génie graphique ce gamin, mais d'autres séquences sont tout aussi chouettes : le pogrom, l'arrivée à la Jerusalem Éthiopienne.
Je l'ai vu sans relief et ça ne m'a pas gêné, j'ai même vu dans un travelling sur la fille du rabbin quelques petites déformations que je soupçonne dues au procédé mais qui n'avaient pas lieu d'être en 2D.
Les enfants ont aimé, mais le plus jeune (8ans) aurait préféré voir autre chose (allez savoir) et ils ont tous deux été brusqué par la scène sanglante (un personnage entrelardé de sabres, je précise pour ceux qui se demanderaient) du milieu du film.
Donc courrez-y, vous devriez passer un bon moment, ça m'a fait penser au
Baron de Munchausen mixé avec du
Hugo Pratt avec la causticité d'un
Voltaire et la virtuosité des carnets de
Delacroix. Que du bon.
je reprécise tout de même que la réalisation est conjointe,
Joann Sfar et
Antoine Delesvaux qui a tendance à être un peu oublié dans le brouhaha médiatique.
+
c