Salut à tous les fous de cet asile.
Je découvre avec grand intérêt la discussion autour de « orgesticulanismus » et m’y mêle de ce pas !
-« Ce serait sympa que le réalisateur passe sur le forum pour parler de son film ! Je tente un email »
J’ai pas reçu le mail, mais me voilà quand même…
Je reprends un peu au hasard certaines phrases qui m’ont touché, interpellé, intéressé, et vous en propose une réponse.
-« Il a fait d'autres films ce type là ? »
A titre personnel, aucun qui mérite qu’on lui prête attention.
Par contre, je travaille comme animateur pour Caméra etc. C’est une association dont l’objet principal est de faire des films d’animation en ateliers avec des gens qui n’ont jamais fait ça avant (souvent avec des enfants, mais aussi de plus en plus avec des « grands »). Donc, disons que j’ai coordonné la réalisation de beaucoup d’autres films, mais vous aurez compris que ce n’est pas vraiment comparable… (j’en profite pour glisser qu’il y a un film de chez nous en panorama à Annecy. Son titre est « Leila », et il a été réalisé au Burkina Faso par une de mes collègues et des enfants burkinabè).
Depuis peu, on essaie de se lancer dans la production de films réalisés par les gens issus de l’équipe elle-même (sur 10 personnes, quatre ont « fricoté » avec la Cambre). D’ailleurs, n’hésitez pas à aller jeter un œil sur « l’enveloppe jaune », de Delphine Hermans. Il est également visible sur you tube, et il a été produit en même temps que « orgesticulanismus ».
Et si vous voulez en savoir (encore) plus :
http://www.camera-etc.be
-« pfffiouououo!!!!!!..c'est pas des feignant eux... »
-« ouaip, j'aimerais bien en savoir + sur les conditions de réalisation = combien de temps ? car si on regarde au générique ya que 2 "animateurs" crédités, le réalisateur + un autre, après c assistants etc.. »
-« l'auteur en serait le seul animateur, les autres ne seraient qu'à la compo »
Attention, ceci est important : sans Sébastien GODARD, Rémy CHAYE, Julien BISARO, Lynda CASTANGIA, David CARYN, et le secours de Mathieu BRISEBRAS, le film ne serait pas ce qu’il est. Ces gens, aussi formidables que talentueux, ces fous furieux de l’anim, ont tous sué pour le projet (ils ont aussi laissé quelques heures de sommeil dans l’aventure).
Sébastien fait partie de l’équipe de Caméra etc, et a animé environs la moitié du film. Il était prévu qu’on fasse le film à deux (j’en entends qui rigolent). Une fois qu’on a été bien à la bourre, Lynda, Rémy et Julien ont débarqué de Paris dans notre belgitude pour nous aider à terminer ce film plus ou moins dans les délais (ce qui n’a évidemment pas été le cas). Il était effectivement prévu qu’ils assistent notre anim’, mais ils ont fait bien plus ! Quant à David Caryn, il a cleané un bon tiers du film.
Il nous aura fallu neuf mois pour venir à bout de la chose…
-« je me demandais si il n'y a pas une base de vidéo derrière tout ça, pour ce passage de "danse" »
-« Je pense aussi qu'il y a eu de la rotoscopie (au moins pour les premiers mouvements, avant que ça se démembre complètement) »
-« il n'y aurait aucune base en rotho »
-« Pas de roto du tout, c'est merveilleux... »
En lisant ces lignes, je me suis demandé ce qui aurait été différent si le film avait été rotoscopé, au sens strict du terme ? Si il y avait eu « rotoscopie », il y aurait peut-être eu moins « performance » au sens où un animateur l’entend, et s’il y avait eu moins performance, le propos en serait-il sorti valorisé ? Certaines de vos réflexions me font prendre conscience que dans ce film il est possible de se laisser tellement distraire par l’animation qu’on en oublie le contenu…
-« Ouais, bon, ça va, alors, rotoscopie ou pas ? »
Tout dépend de ce qu’on entend par rotoscopie. Si on considère que rotoscoper, c’est simplement « décalquer » une vidéo, alors non, il n’y en a pas eu. Si par contre on considère qu’on rotoscope dès qu’on se sert d’une base en prise de vue réelle, même si elle n’a été que observée puis ré-interprétée, alors la réponse est oui, mille fois oui. Les premiers instants qui suivent l’ « évasion » reposent sur des vidéos méticuleusement analysées, décortiquées et restituées. La première étape du film a d’ailleurs été de collecter des centaines de films de danse parmi lesquelles nous avons batifolé. On s’est littéralement gavés de danse, pour créer un terreau hors duquel les séquences d’anim pouvaient émerger. Dans le film, le moment qui coïncide avec la mise à l’écart définitive de ces documents est celui où les déformations anatomiques apparaissent.
Ceci dit, je crois qu’il ne faut pas diaboliser la rotoscopie. C’est vrai qu’elle a déjà généré son lot d’horreurs, mais elle a aussi un potentiel si elle est abordée de façon créative, ou si elle sert un propos…
-« Et quoi de mieux pour parler du mouvement qu'une prouesse d'animateur »
Une des racines, une des bases du projet. Le rapport entre la privation de mouvement, l’immobilité et la technique de l’animation, art du mouvement par excellence, reposant sur sa construction brique par brique, est un des fondements de ce film.
-« ça donne envie de bouger »
C’était un des buts recherchés. L’aspect « jubilatoire » et démonstratif de l’anim devait y participer. Plus loin , il y avait aussi l’envie de dire le privilège que ça représente à mes yeux.
-«en projection salle on ne pourrait pas zapper le début ! »
-« Perso j'ai été sensible à la "performance" technique. Beaucoup moins à la manière de traiter le sujet qui me laisse plutôt froid »
-« c'est à se demander si la seule séquence d'animation ne se suffisait pas en elle-même »
-« un film très personnel et sincère jusqu'au bout peut il toucher tout le monde? »
-« ce film n'est pas destiné aux amateurs d'animation.
Je pense qu'il faut prendre du recul et se mettre à la place de gens qui ne connaissent (quasiment) rien au dessin animé »
-« la dernière partie abstraite, même si j'adore ça à la base, j'ai du mal à voir le rapport, à part de finir sur quelque chose d'apaisant... »
Le cœur du débat … hé hé… que répondre ? Sinon que d’après moi il faut avant tout être juste et honnête avec soi-même ? Peut-être encore plus particulièrement dans ce type de film, qui repose avant tout sur une série d’intuitions.
Bon voilà, ça fait déjà une sacrée tartine.
Un grand merci pour la richesse de vos échanges, je me ferai une joie de les prolonger si l’occasion se présente.
Que du bon à ceux qui ont les pieds dans un projet pour le moment !